FGF23 : un acteur central dans le RVRH

La protéine FGF23 est une hormone (c’est à dire une substance qui est produite à un endroit mais agit à un autre endroit du corps) produite par les osteocytes, des cellules qui sont situées à l’intérieur des tissus osseux, et est relarguée dans la circulation sanguine. Elle a été découverte dans les années 90 (c’est à dire très récemment) sur un type particulier de tumeurs osseuses qui provoque une hypophosphatémie. Les chercheurs se sont rendus compte que FGF23 etait le facteur responsable du relarguage des phosphates chez ces patients cancéreux dont la tumeur produit de grandes quantités de FGF23. Dans les années 2000, on a découvert le recepteur qui capture FGF23 au niveau des cellules rénales. A ce stade, les chercheurs ont donc démontré l’existence d’une nouvelle voie de régulation du phosphate sanguin qui part de l’os et arrive au rein.

Ensuite, les chercheurs se sont interréssés à la régulation de la production de FGF23. On a montré que dans le RVRH, l’absence de protéine PHEX fonctionnelle -rappelez-vous : phex est mutée dans le RVRH- provoque une augmentation de la production de FGF23, et qui dit + de FGF23 dit + de relarguage de phosphates au niveau du rein.

A ce stade, les chercheurs ont pensé à une nouvelle thérapie pour le RVRH : puisqu’il n’est pas possible de corriger le gène phex (c’est déjà difficile de corriger des gènes, mais en plus, il faut faire ça sur des ostéocytes qui sont enfermées au milieu des os…), on pourrait neutraliser FGF23. C’est plus simple puisque FGF23 passe dans le sang avant d’arriver au rein. En plus, on utilise déjà depuis longtemps des molécules capables de neutraliser des protéines dans le sang. Ces molécules sont les anticorps monoclonaux (appelons-les monoclonaux tout simplement).

Les anticorps sont de grosses protéines qui sont utilisées par notre système immunitaire comme sentinelles : elles circulent dans le sang et s’accrochent de manière très spécifique à une cible précise. Par exemple, il existe des patients atteints du SIDA qui ne développent pas la maladie. On a montré que ces patients, qu’on appelle des ’super-controlleurs’, ont développé des anticorps très spécifiques qui s’accrochent au virus et l’empêche d’entrer dans les cellules que celui-ci infecte habituellement.

Les chercheurs ont, depuis très longtemps, appris à produire de manière artificielle, des anticorps contre toute une série de molécules. Cette plateforme de production a été utilisée par un équipe japonaise pour développer 2 monoclonaux reconnaissant 2 régions distinctes de FGF23. En 2009, ces chercheurs ont publié un premier article illustrant l’effet de l’injection de ces 2 monoclonaux chez la souris RVRH (qu’on appelle souris Hyp). Résultats spectaculaires : normalisation du taux de phosphore, diminution du relarguage de phosphates dans les urines, normalisation du taux de vitamine D et amélioration de la minéralisation osseuse. Ensuite, rebelotte l’année suivante mais sur des souris Hyp juvénile. Même effets sanguins, et amélioration très significative de la croissance des souris. Enfin, les chercheurs ont utilisés des souris Hyp plutot vieillissantes et ont montré que les monoclonaux permettaient d’améliorer la force physique et la motricité des souris. Ces données étaient suffisamment bonnes pour justifier un essai sur l’homme. Avant d’y arriver, les monoclonaux ont été ’humanisés’, c’est à dire qu’on les a modifiés pour qu’ils soient compatibles avec le système immunitaire humain (si on injecte des monoclonaux de souris, ils sont reconnus comme ’corps étranger’ et éliminés rapidement). Donc les monoclonaux humanisés ont été injectés à des primates (singes) pour bien vérifier leur inocuité.

L’ensemble de ces résultats – dits précliniques – ont permis à Kirin, la compagnie japonaise qui sponsorisait ces recherches – d’introduire un dossier auprès de l’autorité de santé américaine, la FDA, pour demander la permission de commencer des essais cliniques sur l’homme en 2010.